Espérance retint son souffle. Les yeux de la créature culminaient à plus de deux mètres ; plantés sur une tête d’un blanc immaculé, ils étincelaient à la lueur du jour, dans des tons rougeâtres. Les mâchoires entrouvertes laissaient voir des rangées de crocs impressionnantes, complétées par un bec crochu, au bout du museau. La tête avança, suivie d’un long cou mince puis d’épaules musculeuses. Les pattes antérieures se terminaient par des palmes, incongrues sur un animal censé voler, comme pouvaient en témoigner les deux voiles repliées le long de son échine. Les doigts des postérieurs et l’extrémité de la queue, déployée comme un petit éventail, exhibaient également de curieuses membranes claires.

Le dragon tout entier semblait... étrange, difforme, bref, très loin des élégantes statues dispersées dans les couloirs du palais. Il s’arrêta à deux pas de la garçonne qui l’avait libéré, puis ouvrit ses ailes. Ces dernières, bien que majestueuses, semblaient un peu courtes comparées au reste du corps. La jeune fille ne parut pas impressionnée et leva les bras, comme pour lui rendre son salut ; sa voix s’éleva davantage, enfla, remplit toute la cour. Espérance, le front toujours pressé contre la vitre, la sentait vibrer jusque dans ses dents.