PRIX et NOMINATIONS:- Nominé au prix lycéen des imaginales 2014
- Prix de la Médiathèque de l'orangerie au salon Lunélivre (décembre 2013)
Le PITCHEt si les voix que Jeanne d'Arc prétendait entendre n’étaient pas d’origine divine et que la réalité se révélait plus stupéfiante encore ?
Et si une technologie de voyage intertemporel permettait d'agir sur le passé pour modifier le présent?
Après de multiples aventures, Khéléan va découvrir que notre Histoire n’est que le fruit d'une incroyable machination ...
CRITIQUES ET CHRONIQUESici : http://lionelbehra.canalblog.com/pages/les-arcanes-du-temps--chroniques-/26837438.html
Le PREMIER CHAPITRETout est fini…
Enfin !
Le soleil d’été m’aveugle légèrement. J’inspire profondément une bouffée de cet air pollué. Délicieux ! J’avais oublié à quel point il était différent de celui que j’avais inhalé lors des trois dernières semaines. Il porte en lui quelque chose de rassurant, d’apaisant, de familier… Une madeleine de Proust sous forme gazeuse, en quelque sorte.
Je me trouve sur le perron de la magnifique demeure de Blackrow, dans laquelle j’ai commis l’imprudence de pénétrer, vingt jours plus tôt. Et de laquelle je suis ressorti, il y a dix secondes. Vivant !
Je regarde autour de moi mes compagnons qui ont partagé cette aventure. Du moins ceux qui sont revenus. Ceux qui ont survécu ! Leurs visages sont maculés de terre et de sang, à travers lesquels les larmes ont dessiné des arabesques plus claires. Leurs vêtements sont dans un état lamentable : tachés et déchirés.
Je ressens un large éventail de sentiments étrangement contrastés. Certes, le soulagement domine, mais il est accompagné d’un mal-être profond que je ne parviens pas à surmonter.
Et je sais que ce mal-être perdurera, bien plus longtemps que le soulagement avec lequel il est né…
La main de ma jeune sœur caresse ma paume. Ses doigts encore tremblants s’insèrent entre les miens. J’essaie de lui sourire pour la rassurer, mais je crains que ce rictus forcé ne trahisse mon désarroi. Elle n’est pas dupe, et c’est elle qui, d’un doux sourire, me réchauffe le cœur. Elle n’a que douze ans, mais elle s’est comportée ces dernières heures avec un courage et un sang-froid empreints d’une réelle maturité. Je suis si fier d’elle…
Nous nous apprêtons à redescendre les marches en albâtre du majestueux escalier de la demeure de Blackrow, sans nous douter un seul instant du danger qui nous guette.
Nous pensons naïvement que les agressions, les tortures et les meurtres sont derrière nous, enfermés à jamais dans l’antre de Blackrow dont nous venons de refermer la porte. Nous sommes convaincus que nous allons regagner le bois jouxtant la propriété. Celui où tout a commencé … Celui dans lequel nous jouions...
Nous jouions ! Que notre attitude me semble à présent puérile. Chaque été, lorsque ma cousine venait passer quelques jours à la maison, nous organisions une chasse à l’homme. C’était une sorte de coutume, dont l’origine datait de notre plus tendre enfance. Nous l’avions respectée jusqu’à cette année, malgré l’évolution de nos âges de moins en moins en adéquation avec le caractère futile de ce passe-temps enfantin.
Me remémorer ce jeu par lequel tout a commencé me donne la nausée. C’est parce que je m’étais conduit comme un gamin immature que notre vie avait basculé dans l’horreur, comme si le destin avait voulu me punir de mon insouciance. Jusqu’alors, je pensais vivre dans un monde sûr, inconsciemment persuadé que les accidents de voiture, les lynchages et les véritables chasses à l’homme, celles qui se concluent par la mise à mort de la proie, n’arrivaient qu’aux autres : qu’aux victimes inconnues dont le présentateur du vingt heures évoque les malheurs sur un ton détaché.
Je ne peux imaginer à cet instant que, demain, le ton du présentateur trahirait un léger malaise en relatant un effroyable drame. Il prendrait un air plus grave qu’à l’accoutumé pour décrire les corps des quatre adolescents retrouvés calcinés sur le perron de la propriété d’un richissime Anglais, dénommé Blackrow. Chacun aurait reçu une balle dans la tête ou dans la poitrine, tirée à plus de cent mètres par un tireur d’élite. Puis, les corps auraient été brûlés dans l’incendie de la magnifique demeure dont il ne resterait plus que des cendres.
Main dans la main avec ma sœur, je commence à descendre le somptueux escalier d’albâtre gypseux. Je réalise avec émotion que dans quelques minutes je pourrai enfin embrasser mes parents, que je ne pensais plus jamais revoir.
Soudain, les doigts de ma sœur se crispent avec une telle force qu’ils meurtrissent mes phalanges. Puis ils glissent lentement sans consistance hors de ma main.
Je me tourne vers elle et vois son corps s’effondrer.
La première balle était pour elle…