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 [EC - Texte du 1er mars 2014]

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Voici la nouvelle écrite par Pohore, Aomphalos, Capitaine Horittman, Claireninou et Pandémonium lors de l'écriture collective du 1er mars 2014.  :head: 


LES ENCHAÎNÉS
   
Faut que ça m'arrive maintenant, en plein milieu du gros de la bataille, au moment où y a tout qui pète, que tu sais plus qui est qui, que ça tire, explose, hurle, crève de partout. La diarrhée. Fulgurante. Je crois d'abord que je viens tout juste de me recevoir une balle dans le bide. Alors je commence à chialer, à pleurer ma mère; comme j'ai vu qu'ils faisaient, tout les agonisants sur les bords des routes, dans les trous d'obus et dans les flaques pleines de sang. Et puis je me tâte l'abdomen pour être bien sûr quand même, avec mes doigts boueux. Je me rends compte comme un con que la douleur vient de l'intérieur. Ouais, une bonne vieille de diarrhée.
   Ça n'a rien d'étonnant, avec toutes les saloperies qu'on nous fait bouffer depuis des semaines. Il me suffirait de chier dans mon froc pour me soulager—j'ai manqué le faire deux ou trois depuis l'aube à cause de ces foutues bombes qui font un bruit du tonnerre de l'enfer en me ratant— mais ce n'est plus possible maintenant, ça serait comme signer mon arrêt de mort. Faut absolument que je garde mon froc propre comme un sou neuf— ou n'importe quoi d'autre de pas sale— si je veux pas me faire repérer à l'odeur. Parce qu'à ce niveau de la bagarre, les affrontements sont furtifs, moins bourrins. Chacun se planque derrière sa petite ruine et shoote l'autre en traître. Mon petit Alphonse, je me dis, faut que tu te trouves un coin tranquille pour couler ton bronze sans te faire trouer le cul une deuxième fois. Un trou de balle me suffit largement merci bien. Faut rester lucide surtout, lucide. Ne pas céder à cette chiasse monstrueuse qui me brûle les tripes au plus mauvais moment nom de dieu, non, pas maintenant. GNIIIIII. Je serre les fesses comme je peux et je parviens dans un ultime effort à contenir le flow.
    Y a un camarade qui passe devant moi en courant. Me voyant du coin de l'œil— du coin seulement parce que la peur l'empêche de voir clairement devant lui— il fait volte-face et me rejoint. Il me demande si je suis blessé.
   —Non non...ça va, je fais.
Je m'allonge sur un tas de caillasses pointues qui m'égratignent le froc. Dans cette position la douleur dans mon bide s'atténue légèrement.
   —Et toi, qu'est-ce tu fous ? Tu sais où ils sont les autres ?
   —Qui ça les autres ? il me dit en allumant une clope d'une main tremblante.
   —Ben je sais pas, les ennemis...les copains...Raah tu sais j'y comprends plus rien. Moi, tout ce dont j'ai envie c'est de chier.
   Il hoche la tête, compréhensif. Soudain quelque chose bouge à droite. On se retourne tout les deux en même temps pour voir une pierre dégringoler le long d'un gros tas de briques gelées, et sans attendre, un type sorti de nulle part nous arrose méchamment. Pétrifié de peur, je bronche pas. C'est mon pote à la cigarette qui prend tout. La mitraillette le transforme en nuage de fumée rouge qui stagne un moment, puis s’élève lentement dans le ciel gris, avant de se vider sur mon casque en une fine pluie rouge. Je bronche toujours pas. L'odeur de la poudre fait refluer ma vielle diarrhée jusque dans ma gorge, j'ai envie de gerber.
   Le bolchevique descend de son tas de cailloux en traînant sa grosse mitraillette qui fume, il me passe devant sans me jeter un regard et disparaît au coin de la rue. Étendu par terre et pâle comme je suis, il a du me confondre avec un cadavre.
   Faut que je me tire de là, je me dis, au cas où d'autre se ramènent. Ce qu'il me faut surtout, c'est un coin bien isolé, que je puisse avoir le temps de baisser le froc en voyant venir. Le camps adverse profite de la moindre de nos faiblesse, faut assurer. Le cœur battant, je me relève, j'empoigne ma carabine, et je vais dans la direction opposée de celle du bolchevique.
   Je traverse un rue, puis une deuxième, en cavalant aussi vite que ma diarrhée me le permet. Y a un truc qui explose pas loin, et voilà qu'une vieille chèvre déboule en bêlant désespérément. De peur, je manque lui coller une balle dans la tête. Faut rester calme Alphonse, je me dis. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire, parce que ça chauffe dur.
   Ça doit faire maintenant une dizaine de minutes que je traîne ma diarrhée d'un tas de ruine à un autre, sans trouver d'endroit qui me convienne. Bon, je fais le difficile, c'est vrai. Tout ça n'est surement qu'un prétexte que je me suis trouvé inconsciemment pour ne pas avoir à faire la guerre. N'empêche, l'idée de me faire flinguer pendant que je coule un bronze me fout réellement les chocottes. Ça serait pas digne. Alors je prospecte discrètement dans les environs pour trouver le trou qu'il me faut, un endroit où me vider en paix.
   À un moment, je pénètre dans un immeuble abandonné dont la façade a visiblement pas mal morflée. Dedans il fait aussi clair qu'en plein jour, la faute aux impacts d'obus, de mitraillettes et de toutes ces choses mortelles qui servent à faire la guerre. Y a surement une pièce restée intacte plus loin, je me dis. Peut être même des chiottes, pourquoi pas. Il m'est encore permis d'espérer. Y aurait un lavabo et une belle lunette immaculée tellement elle est serait propre. Je verrouillerais la porte à clef pour être bien tranquille, pour être certain que personne vienne me buter pendant que je fais mon affaire. Même que quand j'aurais terminé, j'irais me laver les mains avec du savon.
   Au lieu de ça je tombe sur un type. Nerveux, je lui tire dans la gueule avant même de savoir qui c'est. Après, encore tout vibrant d'émotion, j'ai peur de le regarder et de m'apercevoir que c'était un ami. Mais je suis trop curieux de voir le visage de celui que j'ai tué pour passer mon chemin comme ça. Alors je le regarde, mais bon, vu que je lui ai tiré dans le visage il ressemble plus à rien. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il est de taille moyenne, plutôt frêle, la trentaine. Il trimbale une machine a écrire, il a pas du tout l'air d'un soldat, nom de dieu. Qu'est-ce qu'il foutait là ?
   Carrément malade maintenant, je pousse un peu plus mon exploration de l'immeuble. Mes mains sont tellement crispées sur ma carabine que je chope une crampe, presque aussi douloureuse que celle de mon ventre. Tant pis, je me contente de chier derrière ce tas de neige, j'en peux plus.
   Tandis que je déboucle ma ceinture à la hâte, je me dis qu'il y a pas plus grand bonheur que de tout lâcher après s'être retenu pendant des heures. Mon pantalon me tombe sur les chevilles, je penche bien mon cul en arrière pour éviter de m'en foutre partout, et je vais pour être le type le plus heureux sur terre—l'espace des quelques secondes qui suivront ma délivrance— lorsque... AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAARRRRRRRRRRRRRRRRR
RRRRRRRRRRGGGGGGGGGGGGGGRAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAaaaaaaaaaaaaaaaaaa
aaaaooooooooooooooooooooooooaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaarrrrrrrrrrrgggggggggggggg...
..eeuh....euhhh................aaa.......a...
   
*
***
*

Ce sont les bêtes, ou le bruit fendu du corps des bêtes glissant sous ma porte qui me réveille. Deux vieilles souris puantes grinçant fausses notes sur mon parquet cherchent refuge dans le mou de mes meubles. Je les observe, de derrière mes couvertures, et compte, une seconde, deux secondes, trois secondes, quatre secondes ! le piège à clous se referme sur l'une d'entre elles. Les deux autres bondissent, se séparent et je compte, une seconde, deux secondes, fil tranchant : dix-huit morceaux. Je jette un œil (mon œil) à la fenêtre : les branches des arbres se serrent les unes contre les autres et la dentelle que le feuillage dessine dans la crème du soleil levant semble être composée des mêmes alcôves, des mêmes lugubres œillets que le voile de mère, deux minutes avant le chaos : mon chaos...  D'autres bêtes me préviennent : un corbeau s'écrase sur ma fenêtre, puis un autre entame le carreau, et lorsqu'un troisième s'apprête à suivre, je m'extraie des draps, bondis vers la lucarne, l'ouvre, attrape le volatile et lui demande : "petite merde de la forêt, petite merde volant d'arbre en arbre, de barbelés en fil électrique, y se passe quoi bordel de pute ?" Et j'écrase son cou entre mon pouce et mon index, d'abord pour le tordre, ensuite pour le faire parler. (Je balance sa couille-tête molle de gauche à droite pour faire plus réaliste) : "Un bordel de pute pas possible, répond l'oiseau d'une voix aiguë (et ratée, je l'avoue)." Puis le corbeau reprend : "Un bordel de pute à vous réveiller la meilleure, la plus belle, la plus méga bonne des tireuses de l'est !". "Merci, molle d'oiseau, réponds-je. Et sinon, des excuses pour m'avoir réveillée ?" Malheureusement, sa tête se détache avant que je n'entame la suite du dialogue. Une gerbe de sang tâche l'extérieur de mon pouce et de mon index, formant une ombre de pancake raté. J'ai faim. Puis d'autres souris, et tout un tas d'autres merdes de la forêt commencent à ramper sous ma porte et à s'écraser sur mes carreaux avant que je n'ai le temps de les ouvrir.
J'attrape mes kunaïs, j'épingle deux rampants à la boiserie, pour l'entraînement, puis range le reste dans mes blondeurs.
J'ouvre le frigidaire et commence à récupérer toutes les pièces de mon Sladiov et à les assembler tout en enfilant mes bottes de outchou. Je déteste ces bordel de pute de bottes, mais dehors, la salive paresseuse de la nuit dégouline un peu partout, et je préfère encore porter les bottes.
J'arrange mes bandoulières et me mets en route, face à la forêt toute entière qui me fonce dessus. J'égorge chaque chair qui me frôle, chaque bête, chaque insecte stupide prêt à s'écraser sur moi, lui, sa progéniture et ses intestins viciés, ah ! Un jour, je vous tuerai tous. Chacun de vous, et chacune de vos ombres, puis chacun de vos vers, et alors peut-être quelque chose se produira, la forêt peut-être, la neige peut-être, quelque chose peut-être aura le goût de la vie.

Je cours un kilomètre, peut-être deux, en direction des pièges à loup numéro 15 à 18. L'un d'entre eux, le 16, est tout neuf, forgé, mécanisé il y a tout juste une semaine. J'ai les nerfs. Mais alors grave les nerfs, genre en pelote de pute ! Je déballe le chargeur de mon Sladiov plusieurs fois afin de m'assurer que toutes les balles sont bien en place. Je cours et inspecte à ma loupe d’œil (meilleure qu'une loupe de rosée, ou qu'une loupe de cristal de neige à midi, pour donner deux exemples, pour montrer à quel point mon œil peut être supérieur à cette bordel de pute de forêt agonisante...), j'inspecte, donc, à ma loupe d’œil, chaque anfractuosité sur chaque douille, et je cours vers le son de la chair jouant de la flûte. Les trompettes squelettiques claquent au vent : des armoiries dont j'ignore jusqu'aux pigments qui les composent.
Je ne sais pas qui se bat, ni pourquoi. Pourritures et ombres immobiles dans la neige. Et toutes ces jambes, ma tendre russie, russie mangeuse de chaussures de cuir, de cœur de plomb et de balles de cuivre, toutes ces jambes qui te piétinent sans que tu ne puisses les avaler ! Ô mère, je m'en vais les fendre au millimètre de ta colère, que ta langue s'y engouffre et t'en abreuve à petit lait !

Les arbres morts, les branches comme des guimauves aux flammes, m'indiquent désormais, plus encore que les couinements des couards animaux qui viennent s'écraser sous mes semelles ou se claquer la jugulaire sous mes lames, la direction à suivre.

Derrière la colline, derrière ta colline, Alexandre mon amour, te souviens-tu peut-être, (si les morts se souviennent), où j'ai jeté les cendres de ta vie minable, pauvre russe sans rien qu'un fusil, c'est là que je les ai trouvés. Eux et la guerre, éclatante, flamboyante, encore ! La ville en cendres appelait au secours... Te souviens-tu, les sortes de mensonges que tu me racontais, au sujet de la fumée qui appelle au secours ? Non, évidemment, tu ne t'en souviens pas. Il faut être vivant et aussi bête que je ne le suis pour se rappeler de choses aussi stupides ! Et cette colline n'est rien. Si j'avais su retrouver ton corps, il reposerait en son ventre, mais personne n'a rien retrouvé, alors ton corps ou même tes dents, ah ! quelle affaire, même la cloche de bronze personne ne l'a retrouvé ; et cette colline... cette colline n'est rien.  
L'herbe qui ploie et se brise sous mes crampons, je te l'offre : et pourriture qu'il en naîtra, champignons terroristes, recettes et nourritures infâmes feront les cendres auxquelles tu n'as pas eu droit, Alexandre.

Je charge, je vise... des visages défilent et je tire et charge et vise et les visages des anges défilent, tranquillement...
Mère, le suave explose : le sang se répand et maquille ton cadavre. Mon œil vengeur les attrape, puis le souffle immobile des balles lointaines les broie, en silence, ils tombent, tous, d'un côté comme de l'autre, mon œil parcourt le champs de bataille et mon index, d'une simple pression, expulse un jet de peinture, là, sur ta paupière gauche, où rien ne fleurit que des monstres depuis dix générations d'hommes. Je les abats !

Puis l'un d'eux attire particulièrement mon attention, ou peut-être détourne ma rage, et mon oeil vengeur commence à le suivre. Plus rien d'autre n'existe. Le soldat pénètre un immeuble.. mais les murs me sont invisibles, j'ai exploré et je connais chaque recoin de ces squelettes pourris de béton, j'anticipe les mouvements du soldat, il m'amuse, et je me dis : peut-être est-il là par hasard, peut-être est-il quelqu'un de bien, alors je vais le tuer, et de la plus infâme des morts.

Je tire et touche. Le soldat agonise en hurlant, mais je suis incapable de l'entendre, je souris cependant, et de mon œil moqueur je l'observe. Quand soudain, un bruit dans mon dos fait frémir mes sourcils. Un acouphène s'éteint et toutes mes erreurs m'apparaissent. Je n'aurai jamais du garder cette position si longtemps.
Il est trop tard maintenant.
*
***
*

Je viens de lui trancher la gorge. Elle ne m'a pas vu venir. Je la retourne pour qu'elle soit sur le dos puis je lui plante ma hache dans la poitrine, encore et encore. Le sang gicle, je souris, j'essuie mon visage et je recommence... Quel bonheur ! Finalement j'en ai assez alors j'ouvre ce qu'il lui reste d'abdomen et je commence à fouiller dans son corps. Et puis je trouve enfin son cœur que je découpe avec un opinel. Quand je finis par le tenir enfin entre mes mains je me sens puissant, je les resserre et le sang dégouline. Cela doit paraître  écœurant aux autres mais j'aime ça. Je le lâche et celui-ci retombe  près de la  dépouille de sa propriétaire. Je vois son fusil près d'elle, du beau matériel haute technologie mais pour ma part je préfère les armes tranchantes.
Calmé de mes envies meurtrières je repars pour m'asseoir dans un coin tranquille caché par des monceaux de débris. Je me gratte la fesse gauche. C'est mon tatouage qui me démange, faut dire que je ne l'ai pas   fait faire dans des conditions très hygiéniques. Une chèvre, plutôt  bien  faite étonnamment. J'avais longuement hésité entre une mangouste  et une  autruche m'enfin de toute façon, l'endroit où elle est dessinée  n'est  pas ouvert au grand public.
Lorsque je ressors ma main de ma culotte et je vois que mes ongles sont noirs.   Je me mets donc à les curer consciencieusement lorsque je ressens une douleur fantôme. C'est mes tétons. Mon lieutenant me les a coupés pour me rabaisser. Je tiens entre mes mains mes seins d'habitude lourds mais contractés dans un corset pour la bataille. Un souvenir du passé. Une larme m'échappe et vient s'écraser sur le sol. J'écoute le sifflement   des balles qui sonne comme une symphonie pour moi. Seul.

Je m'appelais Paulina à cette époque. Je vivais dans un village éloigné  de  tout et je badinais avec les garçons du coin... Oh mais pourquoi reparlé de ça ? Je suis parti, j'ai changé de nom et de sexe. Mes cheveux sont courts maintenant et j'ai énormément mangé pour paraître  plus imposante. Imposant, merde !

Un obus éclate près de moi. Ces idiots se mettent à tirer n'importe où. La rage me reprend, je récupère ma hache qui est à côté de moi et je me lève. C'est reparti pour un tour.

Je   cours vers un homme de dos et dans un cri de guerre je lui plante ma   hanche dans la nuque. Un autre se retourne mais je lui plante  habilement  la lame entre les deux yeux. J'entends le sifflement si  particulier une  fraction de seconde mais l'instant d'après je hurle de  douleur: mon  oreille droite est foutue. Ma vision se floute mais je  reprends vite mes  esprits. Je ne peux pas me permettre ce genre de  faiblesse sur le  front. Le type s'acharne sur moi alors lorsque je vois  un fossé à deux  pas je me jette dedans. L'odeur n'est pas se que l'on  pourrait qualifié  d'agréable, loin de là. Je baisse les yeux et je vois  que je suis à  quatre pattes sur une pile de cadavres. Dans cette  situation on va pas  chipoter. Je jette un coup d’œil autour de moi  mais je ne vois pas mon  arme. Oh bordel, me dites pas que je l'ai  oublié ? ? ?
Pourtant   on dirait bien. Que je suis stupide. Je me regratte la fesse, décidément on dirait que j'ai bien une infection. Je m'imagine ma chèvre boursouflé et je me mets à rire. Ridicule dans cette situation.
La   bataille continue sans moi, une minute, dix minutes, vingt minutes. L'attente m'insupporte. Et asticots commencent à ramper sur mon   pantalon. Et puis une idée me vient. Serais-je assez fort ? Mais oui je vaux n'importe quel homme ! Oh c'est risqué mais c'est mieux que rien.

Je   remonte péniblement la pente, pour deux. J'entends un soldat crier comme une fillette et ses pas m'indiquent qu'il court dans la direction opposée. Il est effrayé par mon bouclier humain. Le cadavre  putride  dévoré par les asticots doit paraître marcher seul, c'est l'effet  attendu. J'ai le temps de récupérer ma hache et lorsque des  courageux  tentent de s'approcher je les tranche en deux. Je suis de  retour.
Mais le temps passe et je me fatigue. Je lâche le mort et j'affronte le peu de soldats que je vois. Combien en ai-je tué ? Dix, quinze ? Non je ne suis plus une femme depuis longtemps : je suis un monstre.

Sans   m'en rendre compte je tombe. Mais heureusement personne n'est dans  les  parages. Je me mets en position fœtale et je répète doucement: "Je m'appelle Paulin, je suis un soldat fort et je vais tuer tout le monde dans ce foutu camp russe". Puis je me remets sur mes pieds. Je suis le meilleur. Je serais le survivant. Aux gens qui m'auront humilié, renié, je leur ferai lécher le sang de ma hache.

Bêêêêêêêêê. J'aperçois une chèvre à une centaine de mètres de moi. Est-ce un  signe ?  Je m'approche d'elle calmement, sans dire un mot. Je m'accroupie  face à  elle et je lui demande gentiment d'où elle vient. Elle mâchouille  je-ne-sais-quoi sans me répondre, évidemment. Puis sans rien  dire elle  me tourne le dos. Et me pète au visage. Je m'écarte assez  vite pour  éviter la merde qu'elle est en train de pondre. Qu'une chèvre  tente de  m'envoyer ses défécations au visage durant une bataille je trouve cela... indécent. Je m'en vais le plus loin possible.

J'entend   un bruit lointain mais celui-ci semble se rapprocher. C'est un grondement je crois bien. Je lève la tête tout en continuant à marcher.   Le temps semble s'éclaircir mais ce n'est pas ça que je cherche. Et  puis  je vois une tâche noir. Je concentre mon regard et je commence à   définir les contours de cette chose. Les ailes, le nez. C'est un avion.   Mazette.
*
***
*

    J'aime les aubes. Elles sont pleines de nuages-feux, d'airs-poudres et  de panorama de plaines blanches. Je pourrais y mourir, je crois, dans  ces belles plaines que j'aperçois du haut de mon bombardier. Je pense  que je fleurirai, après ma chute, que je laisserais un petit espace de  couleur dans les plaines gelée de l'Est et l'on pourrait me cueillir un  jour de paix, si la paix a un sens, si elle veut dire quelque chose. De  mon avion, la guerre et la paix se confondent en une réunion vague de  tâches grisâtres et mélangées à la terre. D'ici, amis et ennemis ne sont  plus qu'un grand uniforme de neige brouillée et de rougeur froide. Je  n'entends rien en l'air, et ce matin, en décollant, j'ai goutté au doux  plaisir du silence retrouvé.
   
    J'aime les aubes parce qu'elles ne nous ont pas trahies, qu'elles sont  encore vierges du mensonge du jour et qu'on peut se faire croire à  soi-même des tas de choses sur le monde d'en-dessous. Le soleil rasant  fait passer les chars pour des lanternes bleues et mes bombes explosent  comme des bouquets. Je l'ai dit, tout à l'heure, à mon écrivain, et même  s'il faisait mine de m'écouter, je ne crois pas que mes fleurs de bombe  l'intéressait. Il écrit un livre, paraît-il. Je trouve ça drôle  d'écrire un livre en restant au sol. On ne peut rien écrire du sol. Du  sol, on peut juste pleurer ou mourir, ou attendre, ce qui revient au  même. Il n'y a que l'air pour laisser au meurtre un joli gout de  couleur, pour faire de la guerre une gouache, pour mettre la mort à une  distance qui convient au regard. Les gens d'en-bas n'y comprennent rien.  Ils ont le nez planté dans les pigments. Ils discernent des formes vagues parce qu'ils sont myopes, ils ont l’œil collé aux surfaces de matière et ils expirent devant tant de laideur.
   
    Je dois avoir mal digéré quelque chose. Mon ventre se tord de douleur  et mes entrailles brûlent. J'ai chaud. Je songe avec envie à la  cigarette de mon écrivain. Je donnerais n'importe quoi pour pouvoir  fumer en avion. Il ne manque que du tabac ici et je me dis souvent que  ce n'est que l’appât des cendres qui me fait encore redescendre de mon  ciel feu. Mon écrivain avait une drôle de mine tout à l'heure. Il devait  m'envier de partir ainsi à l'assaut du matin. Il était vieux. Il avait  déjà la vie derrière lui, il devait se dire : "ah, si j'étais jeune".  J'imagine qu'il me haïssait d'avoir ce privilège d'être au-dessus du  monde, de faire tomber ma poudre et de revenir en ayant rien vu d'autre  de mon jour que des couleurs, des fleurs et des nuages. Il m'a dit, je  m'en souviens très bien, que j'avais la chance "d'avoir une Cause". Je  n'ai pas osé lui dire que je n'avais aucune "Cause", que les "Causes"  c'est un truc d'écrivain du dimanche. Il avait l'air d'y tenir, en le  disant, je le revois tout à fait maintenant le dire ce mot "Cause", avec  dans la voix quelque chose de plein, de vivant. Il était convaincu. Il y  croyait. Est-ce qu'on peut trouver une Cause qui justifie tout ce bruit  ? Enfin, je me doute qu'il faut bien une raison pour faire sonner une  telle musique sur des kilomètres de champ, pour labourer autant de  cadavres, pour enfouir autant de visages glacés sous des couches et des  couches de braise. Mais il m'importe peu d'avoir une Cause. Je ne veux  pas connaître les raisons. Je me moque des écrivains - et je les aime  aussi - parce qu'ils pensent pouvoir résoudre le monde à coup de  justifications. Moi, dans mon ciel, je n'ai que mes nuages et mes bombes  à lâcher. Ma seule musique c'est celle que fait le métal lorsqu'il se  décroche de la carlingue. Mon ciel sonne. Il n'hurle pas. Il ne dit  rien. Il est sans pourquoi.
   
    Et cette douleur. Je suis en train de mourir je crois. Mon sang à  quitté ce qu'il me restait de veines et d'artères autour du cœur et  j'ai dans la bouche, mêlée à l'âcre goût du tabac de mon écrivain, une  nouvelle couleur que je ne connaissais pas. La Russie a une drôle  d'allure maintenant. Je pense à mon écrivain. Je ne sais pas pourquoi il  me revient toujours en tête alors que tout se trouble autour de moi. En  bas on hurle encore. Je dois être en train de mourir. Il avait une  moustache à la Proust, je crois bien et il parlait avec emphase, comme  s'il retenait ses phrases le plus longtemps possible avant de les lâcher  au vent. Maintenant. Maintenant il hurle avec les autres. Et cette  douleur. Je crois que je suis en train de mourir. Je trouve ça drôle,  ainsi, dans ma cabine, de mourir de douleur, avec mes autres qui meurent  en bas, avec mon acier qui les tue et ma poudre. Sur la vitre de ma  cabine de la neige s'agglomère en paquet. Et cette douleur... Il avait  dans ces yeux une fièvre qui n'existe plus dorénavant. Il avait déjà  passé l'âge, il n'était plus du bon temps. Il était beau, sans doute et  touchant, oui, touchant dans ses ivresses. Il me croyait jeune et je  crois que je l'étais oui. Je ne le suis plus, là, avec ma douleur, avec  mes viscères qui débordent.
   
    J'aime les aubes. Je me  souviens maintenant de mon écrivain et de son  air étrange, juste après  notre nuit. Il avait l'air inquiet et investi.  Il avait le visage beau  des vieilles jeunesses. Il avait retrouvé sous  son lit une innocence  factice. J'y pense, maintenant que la douleur se  tait pour me laisser  penser à mes dernières images. Est-ce que je  verrais encore une fois la  plaine avant de sombrer dans la nuit ?  Dehors, il n'y a plus qu'une  neige grise collée à ma vitre. Sa couleur  terne me dit que je suis sous  les nuages et dans le cœur du monde. Ici  on entend de nouveau les râles  et les agonies. Les voix portent et je  sais que l'on me regarde, je  sais que l'on m'attend. J'aime les aubes,  parce qu'elles sont nouvelles et fraîches. L'aube se termine maintenant  avec moi. J'ai cru ce matin  que ce jour serait beau et il le sera  peut-être. Il avait une allure,  mon écrivain, en me tendant sa clope.  Il avait l'air étrange. Peut-être  vais-je fleurir et faire un petit  bouquet de tulipe ou de houx dans la  plaine russe. Je ferais confondre  ma poussière avec ma poudre d'obus et  je flamberais à chaque aube.
   
   Je tombe. Je me rapproche doucement du plancher des vaches.  Des hommes racontaient avoir vu une chèvre courir au milieu des rangs,  pendant les combats, peut-être y trouvait-on aussi des vaches. Je ne  sais pas pourquoi j'y pense, alors que le sol s'approche, que le monde  s'étale devant moi, trop bas pour être beau. Je suppose que c'est cela  mourir : un grand dessèchement et des pensées en nuages, passantes,  fluentes comme le sang à ma bouche, comme la neige sur les bords de mes  vitres. Je tombe. Mon écrivain trouverait une raison pour expliquer ma  chute, une cause pour donner un sens à la plaine qui m'attend. Il dirait  : "l'homme trouve son cœur dans la mort" ou une phrase que seuls  peuvent sortir les vieux écrivains qui ont assez oubliés la vie pour  croire en la mort. Mais, non, la mort ce n'est que cette douleur dans  mon ventre et ce gout de métal dans ma bouche, ce n'est que ma plaine  pendue à mes ailes tendres et cet abominable impression de fuite. Je  vais voir mes autres bientôt. Je n'ai même plus envie d'essayer de  redresser le nez de mon énorme cheval de fer. La douleur a tuée ma  volonté avant le reste et je m'ennuie déjà. Je suis déjà tombé. Je suis  déjà sous une pierre. J'ai déjà fait de ma carlingue un cercueil et je  vendrais n'importe quel nuage pour une poignée de terre meuble et pas  trop imbibée.
   
   Je suis déjà mort.
   
*
***
*

Trente troisième journée au front.
Trente trois jours.
      J'ai l'impression que ça n'en finit pas. Toujours cette même musique, parfaitement orchestrée, qui tourne en boucle : d'abord les coups  de feu, qui battent la mesure. Puis viennent les cris d'agonie similaires à des chants d'opéra. Et brusquement, le silence. Ce silence  qui  prend toute la place. Ce silence plus lourd que tout, plus lourd tous ces hommes, ceux qu'il faut ramasser à la petite  cuillère. Ceux qui retrouvent leurs membres  dispersés sur un kilomètre à la ronde et  qu'il faut ramener en  pièces détachées à leur famille éplorée.
        Les jours avancent, et nous on s'enfonce, les pieds dans la neige.  Les   pieds dans la merde. Les pieds dans la mort, même. Certains s'y  enfoncent  plus  que d'autres pour ne faire qu'un avec tout ça. Dans dix  ans,  vingt  peut-être, ils seront encore là à donner naissance à des  jolies  et  délicates fleurs. Des renoncules roses. Des tulipes. Ou bien  de  l'herbe,  qui poussera par dessus leur mémoire -à la manière de  cheveux sur le crâne après une chimio. Ils serviront de pâture à  des  chèvres, à des lapins, à des moutons, comme on sert de pâture à l'ennemi chaque jour ici. Ces animaux, eux, ne se  retrouveront pas dans   la boue comme nous et notre mort vaine (même si  je suis sur d'avoir vu une chèvre passer hier en plein milieu du champ de bataille). Non. Ils seront dans l'assiette de gens joyeux qui ne  manqueront de rien. "Un véritable paradis sur terre" plein de pommes à croquer. Voilà ce que dit la propagande,   voilà ce que je suis censé  dire, censé écrire, censé clamer haut et  fort  dans mon livre. " Un  futur havre de paix  ! " pour lequel nous  nous  battons tous.
      Les coups de feu dans les oreilles, c'est allongé sur mon maigre lit de camp en - je dois l'avouer - plutôt bonne compagnie, que je pense à tout ça. Et je me demande un jour si ils arriveront à vivre normalement, ces gens là. Si un jour ils se souviendront de nous, entre deux sourires. Entre deux pas dansants dans les herbes folles, celles d'entre les dalles. Si  ils se souviendront de ceux qui sont battus, et de ceux qui n'étaient  pas censés le faire.  
Comme moi.

      Quand je suis arrivé ici, il y'a de là cette trentaine de jours, j'étais excité comme une puce. Je quittais enfin celles de mon vieil appartement miteux, avec toute la vie devant moi malgré mon âge. J'ai toujours rêvé de visiter la Russie. J'ai lu plein de livres à ce propos, durant mes études littéraires. Ainsi mes auteurs favoris y sont nés. Je ne  pensais   pas fouler leur terre un jour. Je ne pensais pas non plus me  prendre toute cette neige dans le visage, ni mordre la poussière à ce point. La combativité n'a jamais fait parti de mes qualités, et pourtant, et me voilà ici.  Encerclé de feu et de sang, sans pouvoir fuir. Mes petits  problèmes de cœur m'ont empêché d'aller à l'armée à l'âge de vingt ans. De m'engager. Cette anomalie physique a toujours été le fruit  d'une grande déception et d'une grande frustration chez moi, car je voulais être comme les autres. Je voulais compter pour quelque chose, je voulais me battre au nom d'un Nom. Crier sous un drapeau. Exister pour un tout.
     
       Je chausse actuellement ma trentième neuvième année, et quand on m'a    proposé ce poste d'écrivain de guerre j'ai sauté sur l'occasion. J'ai vite déchanté. Je ne suis pas un  guerrier.   Tout juste un terroriste... poétique. A deux doigts de  déserter.  Mais   je ne peux pas retourner ma veste. Je ne peux plus.  Elle est déjà bien trop maculée de sang et de boue pour ça.   Actuellement  toute ma vie se joue sur le champ de bataille, personne ne m'attend ailleurs. Toute ma vie EST ici. Au milieu de   cette mort.  L'ironie arrive à son comble comme les avions s'écrasent   sur le sol. On  ne va nulle part, et je ne dois pas perdre en tête les   trois raisons de  ma venue :  la première, sortir d'ici en vie. La   seconde, écrire le plus  grand livre de tous les temps, le plus   prestigieux des récits de  guerre. Ainsi je deviendrai un écrivain   célèbre, admiré et reconnu de  tous. Je deviendrai quelqu'un qui aura   vécu. Mais si c'est juste assez pour me payer  de quoi manger, ça me va très bien  aussi.
       La troisième mission dont j'ai été chargé, elle, est déjà plus   complexe  et ne correspond en rien à ma nature. Le commandant  Tchavelski  m'a  chargé d'infiltrer le camp adverse sous couverture  journalistique,  et de  procéder à l'empoisonnement d'un haut rang. Il  m'a dit que je  restais  trop les bras croisés, que je n'étais qu'un  écrivaillon de  pacotille et  que les fillettes dans mon genre n'avaient  rien à faire  ici. Je le  remercie au moins de m'avoir chargé d'un rôle  plus délicat  que les  autres.
   
      De la délicatesse, je ne m'attendais justement pas à en trouver ici,   au  milieu de tout cette marmelade de cadavres C'est une délicatesse   comme  on s'en imagine pas dans le coin, et encore moins à mon âge.  Elle  a la  douceur de la tendre jeunesse. Et le nom de Pierre. Il me  dit  "Pierre"  mais je suis sur qu'en vrai il s'appelle Piotr ou  quelque  chose du genre  et qu'il n'assume qu'à moitié ses origines.  Quoi qu'il  en soit, et  qu'importe son vrai prénom, il a la peau douce.  Je ne dis  pas que c'est  l'essentiel, mais par ce climat macabre et  glacial, ça  compte quand même  beaucoup, la peau douce. C'est un aviateur, et sûrement  que l'air  lui permet de rester  au frais et de moins pourrir que nous  autres ici  bas.
   
      Encore fatigué, l'esprit dans la brume après cette délicieuse nuit    passée à deux au milieu d'une guerre où nous sommes finalement très    seuls, je le sens bouger tout contre moi. Il  n'est   même pas cinq heures, c'est déjà l'aube, et il s'apprête à  partir. Je  me  lève en même temps que lui, car les lits seuls me  fichent une peur   bleue et m'évoquent des brancards possiblement  futurs.   Aujourd'hui est une fastidieuse et importante journée, je ne peux  pas rester   égoïstement dans cette bulle libidineuse. Je  dois   m'infiltrer chez l'ennemi, et avoir du sang sur les mains.    
      Je  n'ai   encore jamais eu de sang sur les mains.
       Bien sur il y'a celui  des   blessés que j'aide quotidiennement, mais tout ça, ça part à l'eau. Ça part au savon. Je parle de  ce  sang qui reste sur les mains une éternité, qui tâche  et qui  ne  part jamais. Mes mains pleines de crevasses ont surtout  l'habitude  de  fréquenter les touches de ma machine à écrire. Je me  demande souvent  ce  que je fais là. Chaque jour, d'ailleurs. Mais je ne  peux plus  reculer et  encore moins aujourd'hui. Je ne peux plus  reculer, et j'arrive tout  juste à articuler un " Je te fais chauffer de  l'eau ? ".
      Il se penche délicatement vers moi, pose ses lèvres brûlantes dans  mon   cou et me demande dans un souffle " il te reste des cigarettes  ?".  Dans  un souffle, oui,  il ne faudrait pas trop que notre  histoire   s'ébruite, au risque de subir des railleries. Je me traîne  déjà le   cliché de l'écrivain aux mœurs déviants aux pieds, comme un  boulet, et tous les soldats des alentours se moquent de mon vaillant  courage et de sa  démarche  chaloupée. Une démarche  chaloupée dans la neige et  la boue.  On voit pas ça tous les jours, même en Russie.
       Je la lui sors, sa cigarette, "bien sur ", tout ce qu'il voudra, et  je   décide de m'en fumer une aussi pour me donner du courage. Ma  gorge   m'irrite. Ces  derniers jours   passés à grelotter, les doigts pendus et hésitants au  dessus de ma   machine-à-écrire-l'horreur, la sueur, les vertiges : tout ça n'est pas bon signe. Je  remets soigneusement la mienne, de cigarette, dans mon paquet et le monde qui nous sépare me saute doucement aux yeux : toute cette tranchée entre nous. Lui est encore vaillant et   fort. La vingtaine et  l'habitude de son froid natal. Moi, j'avance à   reculons et j'ai la  moustache qui frissonne.
      Quelques minutes passent, et le silence est déjà là. Mais il n'a rien   à  voir avec le silence cadavérique de la journée. Celui-ci, c'est le silence de l'aube. Ce silence d'une beauté exquise. Celui dans lequel   se  trouve toutes les véritables promesses. Je le savoure donc, ce tableau magnifique. J'ai envie de passer mes doigts dans  ses  cheveux - ils sont sombres, comme cette journée qui nous attend, j'en ai vraiment envie mais  je ne veux  pas détruite ces sillons de  fumée dansants dans les airs, autour de nos deux corps. Ces volutes qui donnent l'impression que le temps  est suspendu et que nous pourrions rester là des jours entiers sans  nous inquiéter de rien.
    Le devoir frappe violemment à la porte. Il brise notre bulle en écrasant sa cigarette, à bout de doigts, dans le cendrier en métal. C'est la brume de l'aube qui disparait dans un    contact de lèvres.
    Je suis seul à présent.
   
  ***
   
   Revolver, oui. Machine à écrire et rubans, oui. Paquet de cigarettes -celui préalablement caché sous mon matelas- oui aussi. Tout le reste de mon sac me   semble  opérationnel, et l'inventaire complet m'annonce dans la foulée   que ma  troisième mission est en marche. Je passe à mon tour la tête   dans le  monde réel, abandonnant alors mon seul et unique refuge. Et je rejoins le  devoir. Partout du rouge,  du blanc  et du noir. Le sang, la neige et  les cendres. J'avance à corps  perdu  dans une rue peuplée de corps  inanimés, et le doute me pétrifie  le  paquet de cigarettes.
      Je vérifie qu'il est bien dans la poche droite de mon manteau. C'est le point central plan, il est donc inconcevable de l'oublier. Chaque cigarette est à  faite à base de tabac, mais j'y ai ajouté de l'arsenic en poudre fine. Pour  être sur de ne pas rater mon coup. Je l'ouvre et regarde :
Ce    n'est pas le bon. Ce n'est pas le bon paquet.
   
Un avion s'écrase  au sol.
Une   cigarette dans un cendrier en métal.
Ce n'est pas le bon.
   
   Ma machine à écrire m'échappe des mains. Je m'effondre au sol,  gifflé par l'horrible réalité de mes   actes. Je comprends ce que je viens de faire.
   
Ce n'est pas le bon.
   
Une balle arrivée de nulle part me transperse au moment où la tristesse fait fracasser mes genoux sur les pavés ensanglantés.
J'ai tué  mon aviateur.


A mon tour, je deviens une herbe entre les dalles. Un coquelicot piétiné par les pas dansants des chars d'assauts.
 
Xia ZHU
   
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Xia ZHU  /  Clochard céleste


Woooh!

La diarrhée, je gère encore.

Metallica m'a été à continuer à lire, néanmoins, je ne peux continuer, c'est trop gore pour moi.

Pourquoi, "pelote de pute"?

S'agit-il de la Russie, le pays?

Dois-je comprendre que "les mensonges" donnaient l'impression d'être vraies à l'époque?

Pourquoi, "incapable de l'entendre"?

"..............un acouphène s'éteint et toutes ses erreurs m'apparaissent?!"

Ces quelques fautes m'ont flashé au visage

Je ne bronche pas, un camp, ça ne prend pas d's, nos faiblesses, râtée, jamais dû garder.

Sinon, j'ai pris note des différentes tournures de phrases.

P.S.: "J'ai arrêté à Je viens de lui trancher la gorge." Même avec Def Leppard, j'y arrive pas!
 
Lohengrin
   
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 [EC - Texte du 1er mars 2014]

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