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| L'édition fait-elle l'écrivain ? | |
| | | Invité / Invité Jeu 26 Mar 2015 - 5:00 | |
| Puisqu'on parle d'Agnes Martin-Lugand j'ai envie de dire : en tout cas on sait que c'est pas la passion ou le talent qui ont compté dans son succès. Ouais je suis mauvaise mais alors son bouquin et tout ce qui l'entoure c'est vraiment tout ce que je déteste. J'avais lu un article à l'époque du premier et je me souviens que mon ressenti après l'avoir lu avait été : Ouais elle a décidé qu'elle voulait écrire un best-seller quoi Elle a pris le non-style de Marc Lévy (et c'est pas peu dire) des personnages clichés dignes d'un téléfilm d'M6 , bref un truc "facile à lire sur la plage" comme le "grand public" l'aime, une histoire d'amour pourrie, un titre accrocheur à rallonge parce que c'est la mode, et emballé c'est pesé ! J'ai lu quelques lignes et ça m'a suffi. Une amie l'avait même acheté et m'avait dit qu'elle était quand même allé jusqu'au bout en espérant que ça s'améliore mais non, et elle était bien dégoutée d'avoir dépensé sa thune pour ça. Bref. Pour moi, typiquement, ce n'est pas une ecrivain. C'est peut etre une assez bonne faiseuse d'histoire qui sait ce qui va plaire au grand public et qui est et douée en marketing. |
| | | Invité / Invité Jeu 26 Mar 2015 - 5:05 | |
| Je me jette un peu dans le débat. Problématique : l'édition fait-elle l'écrivain ? Je réponds oui, sans hésiter. Pourquoi ? E-bou nous dit qu'écrire dans l'intention d'écrire un texte artistique fait de nous, ontologiquement, un écrivain. Soit. Mais la dimension ontologique suffit-elle ? Si c'était le cas, aucun écrivain ne chercherait à être édité. Pour quoi faire ? Or, à de rares exceptions près – qui relèvent moins d'une question ontologique que psychologique, voire psychopathologique – les écrivains cherchent à se faire éditer. Ce qui signifie que l'édition est une dimension nécessaire à la définition. Et pourquoi est-ce nécessaire ? Parce qu'un texte artistique est fait pour être lu à – plus ou moins, mais si possible plus – grande échelle. Et que faut-il faire pour être lu ? Il faut (faire) éditer le bouquin. On procède alors, généralement, de la façon suivante : 1) on cherche à se faire éditer à compte d'éditeur et on envoie ses écrits aux maisons d'édition, petites, moyennes et grandes. Si on échoue (écrits refusés), on passe au : 2) on s'auto-édite ou on édite à compte d'auteur. Si l'on n'a pas les moyens (généralement financiers) de s'auto-éditer ou éditer à compte d'auteur : 3) on créé un blog gratuit et on livre ses écrits au gré du web. Dans tous les cas, sauf exceptions qui confirment la règle, il n'y a pas d'écrivain qui veut conserver ses écrits pour lui, sauf dans le cadre d'un "journal intime", généralement fait pour être découvert à titre posthume car on n'a pas le courage (ou autre chose ?) d'affronter la critique (c'est la dimension psychologique – ou psychopathologique ? – que j'évoquais plus haut). Il peut bien sûr exister d'autres raisons, mais elles relèvent d'une situation sociale compliquée (le journal d'Anne Frank, par exemple) Pourquoi la critique est-elle fondamentale ? Parce que l'art répond au critère de la beauté. Et on ne décide pas tout seul que son texte est beau "en soi". Ça n'a pas de sens, une beauté "en soi". La beauté – ou l'élégance, si l'on écrit des théories scientifiques ou philosophiques – est ce qu'on recherche, quand on écrit un texte artistique ou autre, et celle-ci est dans le regard (ou l'analyse) de l'autre. Pourquoi est-on blessé quand on nous dit que notre texte ne vaut rien, ou pas grand-chose ? On est blessé non pas seulement parce qu'on s'est blessé les fesses pour l'écrire, mais surtout parce qu'il – le texte – n'est pas reconnu comme tel par la critique. Il y a donc, dans la démarche de l'édition, une mise à l'épreuve de la critique d'une représentation de soi. D'où je dirai que l'écrivain n'est pas seulement celui qui décide d'écrire un texte – artistique ou non –, mais celui qui décide d'écrire un texte pour être lu et critiqué. Mais bon, ce n'est que mon avis.
Dernière édition par Giratempu le Jeu 26 Mar 2015 - 6:30, édité 1 fois |
| | Nombre de messages : 887 Âge : 56 Pensée du jour : Pourquoi pas ? Date d'inscription : 09/06/2012 | e-bou / Double assassiné dans la rue Morgue Jeu 26 Mar 2015 - 5:33 | |
| Là encore, il n'y a pas une seule vérité, et je suis aussi d'accord avec Giratempu. Si je prends le cas d'un peintre, est-il peintre quand il a fini une toile ? Quand il l'a montré à quelqu'un, s'il entre dans une galerie ou dans un grand musée comme le MNAM ? C'est une question de curseur. Pour moi, l'acte fondateur est l'autonomie de l'oeuvre par rapport au créateur. Une fois le tapuscrit envoyé, les choses se passeront comme elles se passeront, mais on a affirmé à la face du monde : J'ai écrit ce texte, je le juge prêt à affronter autrui, qu'en pensez-vous ? Un écrivain, mais bien sûr, cela n'engage que moi, c'est celui qui a pris le risque de la critique, même si ça ne donne rien. Mais il existe des définitions plus restrictives. Par exemple, celle de Wikipédia, qui impose pour entrer dans la catégorie que le prétendant compte deux publication à compte d'éditeur à son actif. D'autres prétendront qu'un écrivain ne le devient que consacré par le dictionnaire Larousse ou couronné de nombreux prix. Pour les éditeurs, un écrivain est quelqu'un qui a été édité par un éditeur. Pour les lecteurs intégristes de littérature sérieuse, même l'immense Pierre Bordage ne mérite peut-être pas le mot écrivain. Pour d'autres, écrivain est un métier, et seuls ceux qui peuvent, financièrement, n'exercer que cette occupation sont des écrivains ; quelques dizaines en littérature francophone. |
| | Nombre de messages : 2944 Âge : 120 Localisation : À l'Ouest mais sans rien de nouveau Pensée du jour : Aller cueillir les escargots nu sur les baobabs Date d'inscription : 12/09/2013 | Shub / Roberto Bel-Agneau Jeu 26 Mar 2015 - 6:14 | |
| - Zelia a écrit:
- Puisqu'on parle d'Agnes Martin-Lugand j'ai envie de dire : en tout cas on sait que c'est pas la passion ou le talent qui ont compté dans son succès. Ouais je suis mauvaise mais alors son bouquin et tout ce qui l'entoure c'est vraiment tout ce que je déteste. J'avais lu un article à l'époque du premier et je me souviens que mon ressenti après l'avoir lu avait été : Ouais elle a décidé qu'elle voulait écrire un best-seller quoi Elle a pris le non-style de Marc Lévy (et c'est pas peu dire) des personnages clichés dignes d'un téléfilm d'M6 , bref un truc "facile à lire sur la plage" comme le "grand public" l'aime, une histoire d'amour pourrie, un titre accrocheur à rallonge parce que c'est la mode, et emballé c'est pesé ! J'ai lu quelques lignes et ça m'a suffi. Une amie l'avait même acheté et m'avait dit qu'elle était quand même allé jusqu'au bout en espérant que ça s'améliore mais non, et elle était bien dégoutée d'avoir dépensé sa thune pour ça. Bref.
Pour moi, typiquement, ce n'est pas une ecrivain. C'est peut etre une assez bonne faiseuse d'histoire qui sait ce qui va plaire au grand public et qui est et douée en marketing. Ouais, c'est un peu ça l'alternative malheureusement. A force d'évoquer le sujet, j'ai l'impression qu'on a tout dit ou presque. Le best-seller c'est quoi ? Par humeur j'ai envie de dire Valerie Trierweiler, Eric Zemmour, ou pour rester dans le roman, Musso que je n'ai jamais lu et ne lirai jamais je crois. Il y en a d'autres bien sûr: la liste est longue, quasi interminable des "romanciers à succès". Question de choix: soit on reste dans l'optique de réussir en tant qu'écrivain et on se contente d'une vision dans laquelle la culture et par conséquent la littérature est une marchandise (une pure marchandise, vive le Capital!) et dans ce cas autant consulter les statistiques pour savoir ce qui marche le mieux, une forme de prostitution à mon avis, soit on écrit par envie, désir et tout ce qui s'ensuit et là il faut se manger quelques couleuvres et passer des jours voire des nuits d'angoisse à se demander pourquoi on n'achète pas en masse votre livre. Si on arrive à l'éditer ce qui n'est certes pas gagné... Après avoir passé des semaines , des mois,voire plusieurs années à essayer de pondre quelque chose que l'on peut faire lire au moins à des amis sans rougir... Perso, j'ai trouvé une éditrice numérique et le jour où elle m'a accepté, j'ai sauté de joie au plafond même sachant que l'e-book au fond , ce n'est pas ce qui marche le mieux en France loin de là. Ça représente 3% de l'édition en totalité mais ça augmente en gros d'1% par an même si Bruxelles vient de décider de faire passer la TVA sur le livre numérique de 5,5% à 20%. Bon je devrais me taire: on est en pleine période électorale et l'anti-européisme bat son plein ici ou ailleurs semble-t-il. Il est clair pour moi en tout cas que la culture sous toutes ces formes et tendances a du et doit encore de façon récurrente affronter ce problème: tension voire conflit entre une culture populaire et de masse ( qu'est-ce qu'un culture populaire d'ailleurs ?) et quelque chose qu'on a éventuellement sur le cœur et dans l'esprit et qu'on a envie de dire, de raconter, etc. Quelque chose qui renvoie ou pourrait renvoyer à sa propre définition et conception de la culture. Si on a de l'ambition ou si on veut essayer de retrouver un peu de moral, on peut faire la liste de tous les écrivains français qui ont dû affronter une volée de bois vert lors de la parution de leurs ouvrages: Jules Verne, Zola, Proust, le nouveau roman, Beckett, Genet et une floppée d'autres... Je crois que même Flaubert et Balzac ont dû affronter les critiques et la vindicte journalistique de leur époque. Chemin plein d'embûches et le CMI (capitalisme mondial intégré) va peut-être finir par décider d'envelopper les best-sellers dans de la cellophane pour pouvoir les vendre à côté des rayons "charcuterie" dans les supermarchés. Même dans la culture (peut-être surtout là) on n'échappe pas au système: le tout est de ne pas se laisser bouffer par lui. D'autres y sont bien arrivés non ? |
| | | Invité / Invité Jeu 26 Mar 2015 - 6:59 | |
| Pour reprendre l'analogie du footballeur évoquée par E-bou, je dirai que l'édition est à l'écrivain ce que le terrain de football est au footballeur. On ne peut évidemment pas jouer au football sans un terrain – qui n'a parfois de terrain que le nom, bien sûr – , alors qu'on peut jouer sans ballon ("et son ballon, c'est une boîte de sardine" : Bidonville, de Claude Nougaro ). Mais, d'accord, il s'agit d'un point de vue qui n'est pas nécessairement partagé. À titre personnel, je ne me considère pas comme écrivain, bien que je sois édité. C'est peut-être idiot, mais quand on me définit comme tel, je corrige et je dis que je suis "auteur" (d'ailleurs, sur l'onglet du site de mon éditeur, je n'apparais pas comme écrivain mais comme auteur). Un auteur, de mon point de vue, c'est un écrivain qui n'est reconnu que dans un genre particulier, et donc par une certaine catégorie de lecteurs. Je suis donc un auteur de SF (pour le moment). Les amateurs de "littérature générale", ne me considèrent pas vraiment comme un écrivain, même si je réponds à la définition admise par le dictionnaire. Il faut, pour me qualifier du statut d'écrivain, qu'ils me reconnaissent un "style littéraire", qui est à distinguer du genre en ce que le style fait nécessairement référence au beau ou à l'élégant. D'où dérive sans doute la notion de littérature de genre ; c'est bien, parce que ça permet à des auteurs – comme moi et bien d'autres – de se faire éditer par des maisons spécialisées dans les genres, mais ça ne suffit pas nécessairement pour être qualifié d'écrivain. |
| | Nombre de messages : 684 Âge : 48 Localisation : Il est vilaine... Date d'inscription : 28/06/2012 | Kylie Ravera / Hé ! Makarénine Mar 31 Mar 2015 - 6:22 | |
| Pourquoi les écrivains indépendants sont-ils considérés comme des losers ? http://page42.org/pourquoi-les-ecrivains-independants-sont-ils-consideres-comme-des-losers/ Vous avez deux heures |
| | Nombre de messages : 132 Âge : 42 Localisation : Nice Pensée du jour : Boulot, écriture, dodo Date d'inscription : 17/10/2012 | Léonard Foggia / Barge de Radetzky Mar 31 Mar 2015 - 8:09 | |
| Merci pour ce lien, ça pourrait faire un sujet à part entière |
| | Nombre de messages : 684 Âge : 48 Localisation : Il est vilaine... Date d'inscription : 28/06/2012 | Kylie Ravera / Hé ! Makarénine Dim 12 Avr 2015 - 11:13 | |
| En réponse au billet de Neil Jomunsi sur les "losers de l'autoedition": http://www.guymorant.com/losers-les-auteurs-auto-edites/ Une analyse à laquelle j'adhère! |
| | Nombre de messages : 3829 Âge : 112 Localisation : Haute-Garonne Pensée du jour : "Toute personne qui aime la musique ne sera jamais vraiment malheureuse"- F. Schubert Date d'inscription : 29/08/2011 | Molly / Sang-Chaud Panza Dim 12 Avr 2015 - 15:07 | |
| Merci pour ce partage Kylie, l'article est intéressant (comme l'était celui de Neil Jomunsi, du reste). |
| | Nombre de messages : 132 Âge : 42 Localisation : Nice Pensée du jour : Boulot, écriture, dodo Date d'inscription : 17/10/2012 | Léonard Foggia / Barge de Radetzky Mar 14 Avr 2015 - 3:40 | |
| Article intéressant, merci. S'il fallait encore le prouver, l'auto-édition est un bon remède pour dépasser le "stade du brouillon", n'en déplaise à ceux qui, pour tout un tas de bonnes et de mauvaises raisons, n'osent franchir le pas. Pour ceux qui travaillent avec un éditeur la question se pose moins, évidemment. A moins de vouloir accroître ses revenus lorsqu'il s'agit de vendre quelques centaines d'exemplaires d'un livre. Oups pardon, j'ai parlé argent ^^ |
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