| Invité / Invité Jeu 14 Juin 2012 - 13:32 | |
| Bonjour,
Je me lance actuellement dans la littérature jeunesse, et je me posais la question du point de vue à adopter qui était le mieux, disons que je suis partie avec l'idée d'un narrateur externe et discours indirect libre. Mais dans de nombreux ouvrages de littérature jeunesse je m'aperçois que le point de vue adopté est celui du jeune héros. Cela a-t'il un impact sur l'identification que peut en faire l'enfant à la lecture ? |
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Nombre de messages : 6087 Âge : 35 Localisation : Liège Pensée du jour : La "recherche d'équilibre" sur JE est interrompue, ça manque de mécènes en temps de crise. Date d'inscription : 11/01/2010 | QuillQueen / Wallonne OUvreuse de LIttérateurs POstiches Jeu 14 Juin 2012 - 14:34 | |
| tu parles de la petite enfance ? J'ai déjà lu de tout comme format d'histoire. En "il", en "je", en narrateur bien externe, avec des phrases très bien formulées, d'autres en gaga gamin... |
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Nombre de messages : 253 Âge : 33 Pensée du jour : Longues agonies d'un hiver trop tardif Date d'inscription : 10/06/2012 | Natanaël Esykie / Autostoppeur galactique Jeu 14 Juin 2012 - 17:37 | |
| Ce que j'appelle littérature jeunesse c'est du 10-15ans. Si c'est de ça dont tu parles, franchement, j'ai lu de tout. Mais vraiment de tout :p De mon expérience, je n'ai jamais été un grand fan du point de vue en "je". Mais j'ai lu de auteurs qui s'en servaient avec excellence, donc tout dépend. Ceux qui m'ont le plus marqué : Chroniques du bout du monde, Peggy Sue, Golem, Artemis Fowl, Chrestomanci, Arkandias, Le vent de feu, Les royaumes du nord, A la croisée des mondes, Alex Rider : narrateur omniscient, style direct.Everworld, Bobby Pendragon : narrateur interne, style direct.Ce qu'il faut surtout prendre en compte c'est de ne pas utiliser de structure trop complexe, mais pas non plus trop simple, après tout: faut leur former l'esprit à ces jeunes! Même remarque pour le vocabulaire. Je dirais qu'il ne faut pas qu'il soit trop technique ni pointu, mais en insérer quelques uns pour les apprendre au lecteur me semble très bien. En dehors de ça, le point de vue ne m'a jamais empêché de m'immerger dans l'histoire complètement si elle en valait le coup. Es-tu au courant des théories littéraires qui parlent de différents genre de "lectants" ? Si non, renseigne-toi, tu verras que tout est valable, et que chaque personne lit différemment, en allant du récit en "il" auquel s'identifie le lecteur, jusqu'à récit en "je" auquel assiste le lecteur. Un peu de lecture : - Spoiler:
Résumé d'un cours de D.Vrydaghs
Le lecteur depuis les années 70 a une place dominante dans les théories littéraires. Et cela est un bien car un texte sans lecteur n’existe pas (ou, du moins, n’existe pas complètement : il ne se réalise qu’à travers une opération de lecture).
Le lecteur peut être envisagé de deux manières : comme guidé dans sa lecture par le texte ou comme créateur de texte.
Toute théorie de la lecture pose la question de la liberté du lecteur (de la marge de manœuvre dont il dispose par rapport aux contraintes imposées par le texte).
Chez Iser comme chez Jauss, la liberté du lecteur est mince car la plupart de ses réactions sont prévues par le texte
La théorie de Iser postule un lecteur implicite reprenant toutes les instructions de lecture. Le lecteur réel arrive avec son bagage culturel, nommé répertoire par Iser qu’il doit partager avec le lecteur implicite. Cette théorie bien qu’elle place le lecteur au centre, limite grandement son activité puisqu’il est guidé par le texte. La théorie de Jauss est diachronique et s’attarde sur la réception des grandes oeuvres. Pour qu’une oeuvre fonctionne, il faut une relation entre le public et cette oeuvre. Et pour comprendre cette relation,, il parle d’horizon d’attente et d’écart esthétique. Il faut critiquer ces deux théories de la lecture car elles ne se soucient pas des réactions effectives des lecteurs, réactions qu’ils ne connaissent d’ailleurs pas et qu’ils n’envisagent pas. Le lecteur reste un être fantasmé par le théoricien. L’horizon d’attente est ce que vous, en tant que lecteur, vous attendez à lire dans certains textes en fonction des modes, des événements importants, des genres qui sont les plus utilisés. Aujourd’hui, l’horizon d’attente de la majorité des lecteurs est de lire un roman. Pour une certaine classe de lecteurs comme la femme de 30-40 ans, l’horizon d’attente est la chick-litt. L’horizon d’attente peut différer d’une classe à l’autre, d’un centre d’intérêt à l’autre. Les livres qui se vendent le mieux sont ceux qui traitent des thèmes, des sujets les plus partagés par un vaste ensemble de lecteurs. Ex: Harry Potter, Da Vinci Code etc.... Harry Potter est lu par des enfants, des adolescents, des femmes de 35 ans qui ont des métiers sérieux, des hommes, etc... Bref, ce livre a touché une grande partie de la société car il correspondait à l’horizon d’attente au moment de son édition : goût pour le roman, attachement à un personnage en évolution qui a vécu un drame, un méchant très méchant, un monde à part qui permet d’adhérer(théorie d’Aristore), pas trop d’histoire d’amour à l’eau de rose, du supens et surtout une sériation de l’événement. Le lecteur du XXI est avant tout un spectateur qui a l’habitude qu’on lui serve des séries, qu’il y ait du rebondissement, Harry Potter offre ces éléments. L’écart esthétique suivient lorsqu’une oeuvre modifie l’horizon d’attente d’une époque. Exemple au XVII, la littérature précieuse écrit de grands romans sentimentaux jusqu’à ce le classicisme s’impose en France et développe tout-à-fait un autre genre, le théâtre. Il y a une modification de l’horizon d’attente, tout ce qui était limité aux gens des salons, s’ouvrent sur la scène publique, le théâtre popularise le littéraire. Et même s’il est écrit pour des gens de cour par des bourgeois, par les représentations, il ouvre le champ littéraire et amène une nouvelle position dominante , un nouvel horizon d’attente qui est : le théâtre que ce soit de la comédie de la tragédie ou de la tragi-comdéie. Cet horizon d’attente va être maintenu pendant un certain temps pour arriver à un nouveau changement avec les romantiques, les réaslistes etc.....A chaque changement littéraire, il y a un écart par rapport à l’horizon d’attente puis le lecteur suit et s’approprie les créations comme correspondant à son horizon d’attente.
Deuxième vision des choses : quand le lecteur créé le texte.
Chez Fish, cette liberté du lecteur semble absolue, puisqu’il crée lui-même le texte dont il parle ; en fait, cette activité de création est largement déterminée par la communauté interprétative à laquelle le lecteur appartient ; sa marge de manœuvre est donc extrêmement restreinte, car il ne fait qu’appliquer les recettes apprises au sein de sa communauté.
Bayard a une vision plus intéressante car plus modérée, pour lui chaque lecteur lit un texte différent non pas dans sa matérialité mais bien dans sa singularité. En effet le texte est singulier par l’interprétation qui est propre à chaque lecteur. Puisqu’il faut effectuer un travail de sélection et qu’un critique A ne choisira pas le même extrait qu’un critique B, ils ne lisent forcément pas la même oeuvre. De plus le travail de l’imagination est propre à chaque lecteur, le texte n’est jamais complet, il laisse une place à l’imagination. Cela peut s’expliquer par un simple exemple, lorsq’un livre que vous avez lu est adapté au cinéma vous ne pouvez être que déçu même si le film présente des qualités cinématographiques indéniables. Pour le travail de sélection, car il y a des passages qui sont supprimés et ce ne sont pas ceux que vous auriez supprimé, d’autres sont mis en avant et à nouveau vous ne l’auriez pas fait comme cela. Pour le travail de l’imagination, le décor dans lequel évolue les personnages n’est pas celui que vous vous êtes représenté, les acteurs ne ressemblent pas aux personnages etc.....
Pour Bayard, la liberté laissée au lecteur est immense (le lecteur pouvant penser que l’auteur se trompe) mais est néanmoins encadrée par le texte ; en effet, le lecteur doit toujours prouver ce qu’il avance en sélectionnant des extraits, en relevant des indices textuels.
- Spoiler:
Extrait du cours 2009-10 de C.De Mulder
Vincent Jouve*
L’analyse du personnage que propose Vincent Jouve s’organise autour de trois axes : - La perception concerne l’interaction entre le texte et le lecteur. Le roman ne pouvant donner une vision globale du personnage, le lecteur est seul capable de combler les blancs. Le lecteur, qui joue donc un rôle actif, se représente le personnage au moyen de deux axes : interne et externe. L’axe interne prend en compte toutes les informations données par le discours lui-même, en d’autres termes, ce que nous dit le texte sur le personnage. L’axe externe prend en compte les références extérieures dont le lecteur se sert pour créer sa représentation du personnage.
- La réception concerne l’interaction entre le personnage et le lecteur. Il existe trois types de lecteurs : le lectant, le lisant, le lu. - Le lectant : le lecteur conscient que le texte est une construction purement romanesque. Comme toute construction a besoin d’un architecte, le lectant est conscient que l’architecte du livre est l’auteur qui le guide dans sa relation au texte. - Le lisant : le lecteur victime de l’illusion romanesque. - Le lu : le lecteur qui cherche sa relation à lui-même, à son moi à ses propres fantasmes au travers de sa lecture.
A ces trois types de lecteur correspondent trois types de personnages : - Au lectant le personnage comme pion : le lectant voit le personnage comme un instrument textuel au service de l’intrigue et l’aidant à déchiffrer celle-ci. Déchiffrer c’est prévoir mais également élucider. Le lectant cherche à prévoir l’intrigue avant que l’auteur ne se décide à lui donner la solution. - Au lisant le personnage comme personne : le lisant oublie la réalité textuelle et voit dans le personnage un autre vivant grâce à l’effet de vie mais également grâce au système de sympathie. - Au lu le personnage comme prétexte : le lu est la part inconsciente du lecteur, le personnage devient le média à travers lequel le lu arrive à vivre imaginairement ses désirs réprimés par la vie sociale.
- L’implication concerne l’interaction entre l’auteur et le lecteur Trois effets sont possibles : - L’effet-persuasion : le narrateur se pose comme garant d’une vérité, il peut persuader par deux moyens : l’intimidation ou la pédagogie. - L’effet-séduction : le narrateur affiche les personnages comme vrais en masquant et en limitant le plus possible les marques de l’énonciation. - L’effet-prétexte : rencontre avec un moi passé et inconnu. Cette rencontre produit chez le lecteur une décharge émotionnelle attachée au souvenir d’un évènement traumatique, lui permettant ainsi de s’en détacher et de ne pas se morfondre.
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Nombre de messages : 7093 Âge : 43 Pensée du jour : Zut Date d'inscription : 27/05/2012 | Manfred / Pouyoute (© Birdy) Jeu 14 Juin 2012 - 18:50 | |
| Les bouquins changent beaucoup selon l'âge visé.
Tu penses à quel lectorat? 3/6 ans? 6/9? 9/13? +13? |
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| Invité / Invité Jeu 14 Juin 2012 - 19:50 | |
| Merci Natanaël pour les morceaux d'analyses, c'est vraiment intéressant Sinon je vise plus les 7-11 ans disons. |
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Nombre de messages : 136 Date d'inscription : 29/01/2012 | Scribouilleuse / Barge de Radetzky Sam 16 Juin 2012 - 8:35 | |
| Les deux vont toujours... Mais si c'est pour un public de 7-11 ans, le mieux, je trouve est un narrateur externe, et un discours indirect (libre).
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| Invité / Invité Mar 19 Juin 2012 - 10:25 | |
| je n'ai jamais été un grand fan du point de vue en "je". Mais j'ai lu de auteurs qui s'en servaient avec excellence, donc tout dépend. |
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