— Clauss, tu commences à partir en miettes…
— Je sais !
Il parcourt de ses yeux les branchages emmêlés, les parois de l’arbre-abri qui nous protégèrent, qui nous emprisonnent, et tourne en rond mentalement, le corps déchiré par l’ennui. Chaque fois, ses yeux se reposent sur moi, prennent appuis dans les miens, le long de mes muscles estropiés, pour avoir la force de se blesser une nouvelle fois. Puis, finalement, il abandonne.
— Que fiche Laerte ? Il devrait être revenu, déjà…
— Il n’y a plus d’animaux. Je te l’ai déjà dit, il n’y a plus d’animaux.
Je n’ai rien mangé depuis trois jours, excepté un fruit cueilli sur un arbre déjà mort…
— Ralaene, on n’en a pas vu depuis une semaine, cela ne veut pas dire qu’ils ont disparu de la planète…
— C’est vrai, nous approchons du bout du monde, ton corps se décompose, la terre s’effondre derrière nous, mais, sinon, tout continue à tourner dans le bon sens.
Laerte, les traits éternellement cachés sous sa capuche, entre à reculons, et jette près du feu son sac noir. Je me pousse ; ses fesses raclent mes genoux, puis ils se trouvent enfin une place, adossé contre la paroi, entre Clauss et moi.
— Tous les lapins sont morts. Il y avait les os d’une immense bête, on peut encore les rogner pour récupérer de la chair, ou de la moelle.
— Je crois que je préfère encore mourir de faim… je lâche.
Nous nous somme endormis comme cela, adossés contre les parois du minuscule arbre-abri ; moi, j’avais un bout d’os entre mes dents, lâchement abandonné