Voilà, j'arrête pour ce soir.
Voici ma production, ça s'appelle JACK AND VICTORIA
(enjoy)
JACK AND VICTORIA
I
Une main rude secoua Emma, la tirant de sa rêverie.
Debout Emma, il est l'heure de l'école. Emma s'étira, bailla, sortit du lit qui était vide. Sa soeur cadette, Hannah, était déjà levée. Elle buvait son thé.
"Allons, debout, fainéante!" braillait la mère, sans se retourner, occupée à sa besogne. L'air étriqué de l'unique pièce embaumait la lessive.
Emma se hâta d'enfiler sa robe. La mère lui servit un thé bien chaud, Emma se dirigea vers la table d'un pas peu sûr, toujours anesthésiée par le sommeil.
"Allons, dépêche-toi! A-t-on idée d'être aussi molle? Regarde ta soeur, elle est déjà prête!
Hannah, effectivement, était debout, près de la table, narguant sa soeur du regard, faisant mine de s'impatienter. Elle avait déjà mis son manteau. Dès le matin, elle l'exaspérait! Son comportement, ses manières, ses cheveux blonds et lisses... tout chez sa jeune soeur énervait Emma;
"Mais vas-tu te dépêcher, oui?", s'impatienta la mère. "Il n'y a bien que toi à traîner comme ça, reprit-elle. Ton père, ton frère, ils sont au travail depuis des heures. Ta soeur, là, ne rechigne jamais à se lever!"
Emma se dépêcha de finir son thé en bougonnant.
"Allez!"renchérit Hannah, en prenant son cahier posé dans un coin.
Emma lui aurait bien mis une baffe, si leur mère n'avait pas été là. Elle reposa sa tasse, attrapa son cahier qu'elle rangeait toujours sous le lit, de son côté, enfila prestement son manteau et sortit sans embrasser sa mère. Hannah lui emboîta le pas. Emma marchait devant, d'un pas pressé.
"Attends-moi!" geignait Hannah, qui courait pour la rattraper.
-Tais-toi! Avance, tu m'énerves!
-Mais!
Emma attrapa sa soeur par le bras, et se mit à la secouer
-Mais tu vas te taire, oui?
Hannah commença à pleurnicher
-C'est ça, pleure, tu pisseras moins!
Elle la lâcha, et repartit d'un pas décidé.
Autour d'elles, le quartier de Whitechapel étalait sa laideur, ses maisons fatiguées, ses ruelles sales et mal pavées, sa pauvreté omniprésente, son odeur de crasse, sa souillure visuelle. Des marchands à la criée braillaient à plusieurs endroits, des chiens erraient, non loin de là, un clochard somnolait contre un porche.
Emma réfléchissait. Habiterait-elle toujours dans ce quartier sordide, où l'on rencontrait des clochards ou des prostituées à chaque coin de rue?
Etait-ce cela, la plus grande puissance coloniale du monde?
Dans quelques mois, ce serait la fin de la scolarité obligatoire pour elle. Emma aimait l'école, et elle aurait bien aimé continuer. Elle était bonne élève, contrairement à Hannah, pour qui l'apprentissage des 3 'R' (Reading, wRiting, aRithmetics) s'avérait difficile.
Emma adorait lire. Parfois, son frère James achetait le journal, et elle le lisait à voix haute, pour toute la famille. Elle avait toujours connu ce quartier, cette vieille maison louée depuis des années à une propriétaire acariâtre. Son père, John, travaillait dans une usine, tout comme James.
Elle avait eu un autre frère, William, mais elle l'avait peu connu, il était mort très jeune.
Leur mère, femme bourrue, avare de compliments et de tendresse, restait à la maison, elle s'occupait du ménage, de la lessive, de la nourriture. Elle était sans cesse affairée. Elle répétait sans arrêt à ses filles qu'elles connaîtraient le même destin.
Cette vie, cette perspective morose ne satisfaisaient pas Emma. Elle rêvait d'autre chose. Elle aurait voulu devenir comme Jane Austen, la célèbre romancière. Un jour, une voisine lui avait donné un exemplaire de
Pride and Prejudice. Emma le conservait pieusement, caché sous son lit.
Mais pour l'heure, il fallait aller à l'école. La clochette de Me Forbes tintait à toute volée. Le maître, rigide, debout sur le seuil de l'école, morigéna les deux filles qui étaient en retard.
Maître Forbes était un grand gaillard d'une soixantaine d'années, sec, droit, le cheveu bouclé et grisonnant, les lorgons bien plantés sur le nez, derrière lesquels il cachait un regard vif, toujours aux aguets. Il portait son éternel manteau noir.
"Eh bien, Miss Wilson, votre soeur et vous êtes encore en retard."
-Je vous prie de nous excuser, Maître, bredouilla Emma. C'est à cause de ma soeur
-Ce n'est pas bien, de dénoncer. Toutes les deux, vous me ferez cinquante lignes, ce soir,après la classe. Maintenant, entrez en silence.
La journée se déroula comme toutes les autres. Hannah fut encore punie car elle ne connaissait pas ses tables de multiplication. Elle reçut cinquante lignes supplémentaires à faire.
Le soir, une fois la classe finie, il ne resta que trois élèves punis, en train de copier des lignes.
Sur le tableau noir, le maître avait inscrit à la craie blanche, de sa belle écriture, le nom des trois élèves et les lignes qu'ils devaient copier.
Emma Wilson: I mustn't be late at school (50 times)
Hannah Wilson: I mustn't be late at school (50 times)
I must learn my lessons (50 times)
Brian O'Rourke: I must learn my lessons (50 times)Maître Forbes, assis à son bureau, les surveillait de son regard inquisiteur.
De temps à autres, Emma relevait la tête et lançait des oeillades perfides à sa soeur. Hannah resterait plus longtemps ce soir. Brian, un petit rouquin aux cheveux en bataille, au regard bleu et rieur, et au visage constellé de tâches de rousseur, tirait la langue en s'appliquant.
Emma et Brian eurent fini leurs lignes en même temps. Ils montrèrent leur feuille au maître, qui vérifia si c'était bien écrit, s'ils avaient bien fait cinquante lignes. Dans le cas contraire, il n'aurait pas hésité à les faire recommencer. Il parut satisfait, et dit simplement:
"Bien, vous ferez signer cela à vos parents. Je vérifierai demain. Vous pouvez y aller." Et ils sortirent, abandonnant Hannah à son triste sort.
(à suivre)