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| la page 99 de votre roman | |
| | | Invité / Invité Sam 7 Mai 2011 - 23:33 | |
| - Way' a écrit:
- Si un jour j'écris plus de trois pages, je commencerai à me poser la question !
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| | Nombre de messages : 1971 Âge : 62 Localisation : Là-haut Date d'inscription : 01/05/2008 | Thierry / Journal du posteur Dim 8 Mai 2011 - 17:23 | |
| J'ai un peu triché,j'ai pris un petit bout de la page 98, sinon, c'était difficile à comprendre. Le personnage principal est dans un petit voilier avec trois débutants. Ils sont surpris par un coup de vent. - Spoiler:
La houle, comme des collines en mouvance, le voilier ballotté sur les pentes. La remontée devenait délicate, la vitesse à peine suffisante pour franchir la crête, la descente prenait des allures de toboggan, le creux paraissait vouloir les engloutir. Les filles s’étaient tues, pétrifiées par le changement incroyable de l’Océan, la disparition quasi-totale de la côte, le claquement de la bordure des voiles, le sifflement aigu de l’air dans les drisses, rien à voir avec la balade tranquille qu’elles avaient imaginée. Il leur avait demandé de se déplacer sur tribord pour équilibrer la gîte. A chaque descente dans les creux, elles recevaient des paquets d’eau froide, des embruns qui les fouettaient. Leurs visages angoissés, celui du père de famille. Il ne les a jamais oubliés. La prise de conscience brutale qu’il tenait leur survie dans ses mains. Plus de bateau de secours, le voilier du moniteur hors de vue, le vent qui ronflait comme une tuyère d’avion, le ciel ballonné de cumulus distendus, dégueulant des nuées grasses puis des flopées de grains serrés, des pluies épaisses, des rafales imprévisibles, le bateau qui partait en surf sur les pentes mobiles, le grondement des masses furieuses, l’adrénaline qui montait, cette impression de puissance, l’impossibilité de perdre le combat, la force dans son corps, la certitude que lui au moins s’en sortirait, aucune peur, un immense plaisir, une lutte qui irradiait dans ses muscles des frissons de bonheur, l’envie de rire, il se retenait, l’eau noire de l’Océan, des dentelles d’écume qui ourlaient les crêtes brisées, la puissance de la houle qui les soulevait, les projetait dans des vallons sombres, l’horizon disparu, puis l’ascension délicate vers le col devant eux, le bateau qui se dressait, il voyait le père de famille cramponné au pied du mat, les deux filles se serraient l’une contre l’autre, plus un mot, les yeux hagards, les corps pétrifiés, il pensait à tous les récits de marins dans les mers du Sud, les quarantièmes rugissants, le bonheur qu’ils devaient éprouver, cette confrontation avec soi-même, l’Océan comme témoin, le haut de la vague, l’étrave qui basculait, un instant au-dessus du vide, et le plongeon dans le gouffre liquide, il ne pensait pas que l’Océan puisse changer aussi rapidement, le vent devenait hurlement, les autres voiliers avaient disparu, même du haut des crêtes il ne les voyait pas, la force indomptable de la houle l’empêchait de virer à tribord, le voilier courait vers des falaises contre lesquelles il commençait à voir les rouleaux écumeux se briser, il fallait tourner, il ramenait la barre, il sentait dans le bois des vibrations sourdes, la coque frissonnait sous les efforts, des raideurs de squelette torturé, des craquements lugubres, cette puissance de l’Océan, il n’en revenait pas, et toujours cette joie étrange qui ne le lâchait pas, le danger comme une sève euphorisante, les falaises qui se rapprochaient, impossible de maintenir le cap vers la baie où se cachait le port, les vagues les repoussaient immanquablement vers la côte rocheuse, le regard de l’homme à l’avant, il s’était retourné, ses yeux effarés, remplis de cette angoisse de l’incertitude, de la projection effrayée vers une issue redoutable, l’imagination qui s’emballe, il ne tenait plus sa voile, l’accélération soudaine du voilier, une rafale incroyable, le bateau qui gîte, l’eau qui s’engouffre, les écoutes lâchées, la poulie de la bôme qui casse, la barre horizontale qui passe au-dessus des têtes comme une guillotine, l’étrave qui plonge au fond du creux, les filles qui hurlent, la vitesse, la vitesse, l’eau noire qui bouillonne, le sifflement métallique dans les drisses, les falaises à deux cents mètres, il lâche le gouvernail, à quatre pattes il avance vers le pied du mat, il passe le bout par-dessus la bôme et la fait coulisser vers l’arrière, des gestes sûrs, précis, rapides, il revient s’asseoir, il règle la voile, les filles qui hurlent, l’eau qui s’engouffre, le père tétanisé à l’avant, des paquets de mer qui l’assaillent, un creux, une crête, un creux, une crête, et la force en lui, cette énergie phénoménale, il ne comprenait pas cette absence de peur, juste ce désir de lutte et puis là, l’idée, la révélation, l’illumination. Humilier la Mort. Cette envie de crier sa force. Cette joie incommensurable du défi, de l’ultime défi. « Je fais une dernière tentative pour virer vers le port. Si ça ne marche pas, on saute à l’eau et chacun se débrouille. Vaut mieux ça que d’arriver sur les falaises. » Les filles qui hurlent, le père qui se retourne. « Je ne veux pas mourir. Ma famille. » Les épaules tombantes, le corps assommé par l’abandon de l’esprit. Lui, il savait qu’il ne mourrait pas, il savait que la Mort ne pouvait rien contre sa force, contre cette joie qui le propulsait au-dessus du drame, elle ne pouvait pas l’atteindre, il était au-delà de la Mort. « Mettez-vous tous à gauche quand je vous le dirai. On va avaler plein de flotte mais en gîtant à fond, on arrivera peut-être à tourner. Si ça le fait, il faudra écoper avant de couler, enlevez vos chaussures pour balancer le maximum d’eau le plus vite possible. » Les filles qui hurlent. « Et fermez-la !!! Si vous voulez que ça marche, il faut m’écouter !! » Il avait attendu de franchir la crête et en profitant de l’accélération il avait déclenché le virement. « Allez, tous à gauche !!! » Un ordre. Ils avaient obéi. Le bateau qui gîte, qui résiste au mouvement de l’eau, la coque qui dérape, la barre qui vibre dans ses mains rivées au bois, les jambes assaillies par les flots qui se déversent, les voiles qui gémissent, l’écoute enroulée autour de son poignet, il sait qu’il doit se libérer s’il saute à l’eau, il réfléchit à une vitesse stupéfiante, une lucidité qui le bouleverse, le bateau qui tourne, les filles qui écopent, le père qui vomit sur ses genoux, la bouillie bileuse qui se répand dans l’eau avalée par la coque, les filles qui écopent, tête baissée, furieusement, en pleurant, le père qui s’y met, l’énergie, l’énergie, et sa force, ce magma qui le transporte au-dessus de la peur. Humilier la Mort. Ce bonheur inoubliable.
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| | Nombre de messages : 685 Âge : 36 Pensée du jour : Dormir, c'est mourir un peu. Date d'inscription : 03/11/2007 | Mystick@KeTAAA / Hé ! Makarénine Dim 8 Mai 2011 - 20:47 | |
| Thierry, j'achète !
Amoureux de la mer, je me lis dans tes lignes, c'est tiré de quel livre ? Un de ceux édités ? |
| | Nombre de messages : 1971 Âge : 62 Localisation : Là-haut Date d'inscription : 01/05/2008 | Thierry / Journal du posteur Dim 8 Mai 2011 - 21:21 | |
| - Mystick@KeTAAA a écrit:
- Thierry, j'achète !
Amoureux de la mer, je me lis dans tes lignes, c'est tiré de quel livre ? Un de ceux édités ? C'est dans "les Eveillés" Mystick:) pas encore publié mais contrat signé pour une sortie début 2012. Y'aura d'abord "Jarwal le lutin" (dans dix jours^^) et "Une étrange lumière". Content que ça te plaise si tu connais la mer ! C'est important d'être crédible auprès des adeptes. Les textes qui abordent des activités précises avec des techniques particulières, sont toujours lus avec beaucoup de critiques de la part des gens qui pratiquent. Pas le droit à l'erreur...Merci |
| | Nombre de messages : 685 Âge : 36 Pensée du jour : Dormir, c'est mourir un peu. Date d'inscription : 03/11/2007 | Mystick@KeTAAA / Hé ! Makarénine Lun 9 Mai 2011 - 19:44 | |
| Et bien pour ma part je dirais que ça n'a que des cotés positifs, tu retranscris une navigation ardue d'une manière qui m'a fait frissonner d'envie de retourner sur l'eau (ça fait un moment que j'ai pas eu l'occasion), et en plus de ça en évitant l'accumulation de termes techniques, n'importe qui doit pouvoir s'y retrouver (J'imagine). Si tu pouvais tenir au courant pour l'édition, ce serait parfait |
| | Nombre de messages : 1971 Âge : 62 Localisation : Là-haut Date d'inscription : 01/05/2008 | Thierry / Journal du posteur Lun 9 Mai 2011 - 20:23 | |
| - Mystick@KeTAAA a écrit:
- Et bien pour ma part je dirais que ça n'a que des cotés positifs, tu retranscris une navigation ardue d'une manière qui m'a fait frissonner d'envie de retourner sur l'eau (ça fait un moment que j'ai pas eu l'occasion), et en plus de ça en évitant l'accumulation de termes techniques, n'importe qui doit pouvoir s'y retrouver (J'imagine).
Si tu pouvais tenir au courant pour l'édition, ce serait parfait Merci Mystick,je n'y manquerai pas. |
| | | Invité / Invité Jeu 21 Juil 2011 - 17:04 | |
| Moi ch'ais pas à propos de la page 99 si c'est un truc pour juger de la qualité du livre ou pour savoir l'histoire ... Je préfère lire la première et la dernière phrase du livre afin de juger ce qu'il vaut. |
| | Nombre de messages : 2415 Âge : 38 Date d'inscription : 27/04/2011 | Go' / Fou de la reine Jeu 21 Juil 2011 - 17:15 | |
| C'est plutôt pour juger du style. Voici pour la mienne. - Spoiler:
que l’on aurait formé ! Mais il est sûrement d’un empereur la nécessité de vivre un destin tragique, l’impossible bonheur permanent. Comme j’aimerais tout faire pour te garder !... Mais je suis sot ! Je me plains alors qu’en toi vibrent des tourments plus graves encore. Eloigné des tiens, tu ne sais où tu vas et tu es seul sur ta route. Je pleure de notre amitié qui disparaîtra, mais pour toi qui l’as déjà vécu, mes larmes ne sont que le lit de ton chagrin et tes peines sont une crue. » Nous nous tînmes les mains. J’étais ému par ses paroles, plus que je ne l’avais cru tout d’abord et quand j’y repensais plus tard après nous être quitté, je ne pouvais m’empêcher de remarquer sa façon de parler qu’il avait élevé d’un timbre plus aigüe que sa voix habituelle pour me parler avec emphase. Est-ce qu’il avait eu conscience de son attitude à parler comme un acteur a de jouer avec ses tirades ? Cependant, le problème de sa sincérité était levé puisque, à sa manière de parler, je ne savais pas s’il considérait lui-même notre malheur comme une tragédie de théâtre. Ou bien était-ce sa fonction d’empereur, l’éducation qu’il avait reçu, qui le rendaient pompeux en toute circonstance. Cela dit, je pensais aussi que, s’il parlait comme un acteur, c’était aussi parce qu’il s’était identifié à ce personnage qu’il jouait sans cesse, non sans moduler certaines de ses parties selon que les scènes changeaient. Et comme il s’accaparait son propre rôle, il en épousait les contours, faisait sienne sa pensée. Et ses paroles, en définitive, correspondaient bien à ses sentiments propres.
Comme tu le vois, le risque de spoil est faible, par contre on a une très bonne indication sur la façon d'écrire (à condition que tout le roman soit écrit de la même manière.) |
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