- Non. Pas sans toi.
- Mais merde tu n'as pas besoin de moi!
- Vivre, écrire, simplement pour moi, ça n'a aucun sens.
- Alors fais-le pour moi! Je n'ai pas besoin d'avoir ça sur la conscience! Je ne peux rien te promettre mais tu sais, en amour, rien n'est jamais acquis, mais rien n'est jamais totalement perdu non plus.
- Tu ne crois pas ce que tu dis. Tu dis ça uniquement pour ta conscience.
- Mais merde t'es en train de me coller la responsabilité de ta mort et de ton état sur le dos!
- Non. Absolument pas. Tu as eu raison de partir. Tu as raison de chercher à m'oublier. Tu n'es pas responsable de mes sentiments, pas plus que de ma folie ou de mon échec. Tu n'as rien à te reprocher.
- J'aurais ta mort sur la conscience, quoi que tu dises, quoi que tu fasses.
- Je ne peux pas.
- Une semaine.
- Je ne peux pas.
- Fait ce qui m'a toujours rendue fière de toi.
- Je n'ai plus la force!
- Fait ce qui m’a toujours rendue admirative!
- Je suis à bout!
- Fait moi étinceler les pupilles!
- Donne-moi la force! Donne-moi l'espoir!
- Ecoute ton cœur. Je t'enverrai un signe, me dit-elle en souriant, de ce surnaturel sourire.

De derrière moi, j'ai entendu la même mélopée que tout à l'heure, jouée à l'envers. Ben, le phénix avait ressuscité de ses cendres, comme toujours. Son anti-requiem me pénétra jusqu'au plus profond de mon âme pour y insuffler la flamme de l'oiseau de feu: la vie. Mon sang refluait vers mes poignets. Le chemin se contorsionna violemment. J'y étais devenu un intrus qu'il fallait chasser à tout prix, comme une bille qui trainerait dans la mince gorge d'un gamin.
Une semaine. J'avais une semaine pour m'enflammer violemment, et provoquer un miracle. Une ridicule semaine. Une interminable semaine.

- Suffisamment pour contrer toute offensive impérialiste dans la péninsule. L’Amérique est le pays qui possède le plus d’armes nucléaires, qui dépense des dizaines de milliards de dollars pour son armée, de l’argent qui fait défaut à votre population. L’Amérique, le pays qui déclenche des guerres selon son bon-vouloir sans se préoccuper des Nations Unies. Un pays qui ne reconnaît pas la République de Corée comme un état légitime, classé dans votre Axe du Mal alors que jamais nous n’avons attaqué le moindre Etat. La liste des méfaits de l’impérialisme US est bien trop grande pour réussir à en faire l’énumération …

- Je sais ce que vous essayez de faire …

- J’essaie de vous ouvrir les yeux, sergent Jenkins ! De quel droit l’Amérique doit-elle décider de notre avenir ? De quel droit peut-elle nous empêcher d’avoir l’arme nucléaire ? Désormais, nous sommes une puissance nucléaire. Avons-nous fait usage du feu atomique sur le régime fantoche de Séoul comme vous le prévoyiez ? Non ! Aux dernières nouvelles, seuls vos ancêtres ont usé de telles armes contre un peuple. Comme votre MacArthur qui a tenté d’utiliser l’arme nucléaire contre nous et nos alliés chinois … Après que notre armée ait repoussé vos forces d’invasion épaulés par nos frères sudistes que vous avez corrompus !

pour demain. On va rire.
-Héhé, les dieux sont avec nous. Oh, des ciseaux ?
Je ne pouvais pas les laisser partir. Je courus jusqu'à eux sans réfléchir, et plantai ma lame dans le dos de celui qui s'était penché pour ramasser l’objet. L’élan de ma charge avait enfoncé loin la dague. Il poussa un cri bref et s'effondra au sol. Le deuxième était entré dans l'eau, mais il se retourna sous le dernier râle de son camarade. Il semblait fou de rage de me voir là. C'était réciproque. On aurait dit qu'il allait me plonger dessus. Mes doigts serraient le manche jusqu’à se raidir aussi fort que les muscles du bras.
-C'est ça, viens que je te troue la peau, connard ! vociférai-je.
Je brandis ma dague avec la même férocité, mais il évita la tranche et disparut dans l'eau. Il réapparut de l'autre côté. J'exprimai ma fureur dans une onomatopée puissante.
-Ose seulement revenir !
Yitisse me rejoignit quand le silence fut revenu. Moi aussi j'étais revenu. A mes esprits. Le sang sur la dague... Ce que je redoutais venait d'arriver.
-Tu... tu as réussi à les faire fuir ?
-Le faire fuir. L'autre est là.
Le corps gisait sur la rive, colorant la rivière de rouge dans les coins les plus calmes.
-Ah ! Quelle horreur, s'exclama-t-elle horrifiée.
Contrairement à elle, je restais étrangement détendu. Même moi ça me surprenait. J'étais bien plus triste pour moi-même que terrifié ou dégoûté. La survie ne cessait de me changer. Je me sentais devenir un autre, c'était effrayant. Jamais je n'aurais pu tuer qui que ce soit à Moutahon. Surtout pas aussi froidement. J'avais agi, parlé, sous un mélange de peur et de colère. Voilà pourquoi après, ni l'une ni l'autre ne me parcourait.
-Et... et le deuxième ? Il a eu peur ?
-Je crois bien.
-Tant mieux, soupira-t-elle soulagée.
-Non. Ils nous ont sûrement écoutés. Ce type va tout raconter à sa reine. C'est la merde... On va devoir changer de stratégie, et vite fait.
-J'espère qu'ils n'avaient pas entendu ton secret.
-Quoi ? Oh. Oui. Ca m'est égal. Y a de grande chance pour que le fuyard meure demain, et la reine aussi. Et avec la frousse que je viens de lui donner, il n'osera pas tenter quoi que ce soit contre moi.
Je rinçai ma dague dans la rivière, priant pour que cette pauvre Sagole me pardonne du sang versé dans ses flots tranquilles. Nous étions remontés assez vite, de peur que d’autres Gonurs traînassent dans le coin. J'allais tout faire pour arriver à mes fins le lendemain, et si vraiment la mienne de fin devait venir, ce ne serait pas pour n'importe quoi. Ou comme n'importe qui. Je leur devais tous ça.
Je venais aussi de me rendre compte d'une chose. Le fait que Yitisse ait demandé aux dieux pour que je reste en vie, m'avait convaincu de tout faire pour cela, si rien ne me contraignait au contraire. Les dieux n'avaient donc pas répondu à sa demande, mais moi oui. Parfois, la simple prière amenait plus que l'aide réelle des forces divines, pourvu qu'on ne la garde pas pour soi. A nouveau, l'acte humain agissait sans les dieux. J'avais